Girardin Jules – Le Roman d’un cancre

Girardin Jules – Le Roman d’un cancre : Il faut bien se rendre à l’évidence : Lucien Michel est un cancre… Il grandit au sein d’une famille aisée, entouré de l’amour et de l’attention de sa mère, de son grand-père et de deux tantes. C’est un enfant unique. Son père, un officier de marine, avait péri dans un naufrage alors que Lucien n’avait qu’un an. On compte donc sur lui pour perpétuer les valeurs et l’héritage de la famille. Oui mais voilà, Lucien n’est pas très porté sur le travail. Sa famille a beau l’aimer et se montrer compréhensive : que ce soit à la maison avec un précepteur ou au collège, les matières scolaires l’ennuient.

Rares sont ceux et celles d’entre nous qui se rappellent encore le pupitre et l’encrier, la plume que l’on y trempait et les coups de règle sur les mains qui avait parfois encore cours dans les années cinquante. Pour eux, l’évolution de la conception de l’enseignement est une évidence. Mais qu’était le cancre ? un être simple, bête ? inerte sur son banc en fond de classe ? ou de la sorte, qui trompait son ennui en semant la zizanie ?

Dans cette jeune troisième république qui promeut l’école laïque, diverses tendances se font jour. Pour l’ « enseignant-martyre », toutefois, qui devait er ces mauvais éléments perturbant la discipline de sa classe, la tendance naturelle penchait à la survalorisation du ou de la « bon.ne élève » au détriment d’un.e cancre/cancrelat. Les jugements moraux stigmatisait ces récalcitrant.e.s « possédés par le génie du mal ». L’équation performances scolaires – comportement – moralité * était posée.

Girardin n’échappe pas à cette vision. Il nous montre toute l’évolution de Lucien, d’abord supérieur et distrayant son ennui : « Le cancre a toujours une bonne opinion de lui‑même et une mauvaise opinion des autres. J’en ai connu de tous les caractères, je n’en ai connu de modestes. Le cancre, qui s’ennuie, se creuse la cervelle pour imaginer quelque chose qui rompe la monotonie de sa vie d’écolier. »

Puis, Lucien est influencé par les événements et les personnes qui l’entourent. « Ce caractère réversible des insuccès scolaires explique l’apparition récurrente, dans le corpus, de la figure, fortement valorisée, du cancre converti et repenti. Ainsi, Jules Girardin dans son roman, Le Roman d’un cancre, publié en 1883, dresse le portrait d’un cancre de bonne famille paresseux, retors et immoral qui, grâce à l’aide d’un camarade « se corrige de ses défauts, se fait recevoir un des premiers à l’école de marine, et devient la consolation de toute sa famille  ». La prise de conscience peut, comme dans le cas précédent, s’effectuer pendant la scolarité, mais elle se produit le plus souvent lors de l’entrée du cancre dans la vie active. » *

Il faut attendre les progrès de la connaissance de soi des siècles suivants pour pouvoir développer une autre vision de l’échec scolaire et de la structure de l’institution d’enseignement. Et découvrir que l’intelligence de l’apprenant et capacité d’intégration dans le cadre scolaire sont deux choses différentes, ou pour comprendre que des capacités diverses (artistiques, techniques ou HPI) qui font réussir une vie peuvent avoir engendré de piètres élèves.

Malgré tout, Jules Girardin nous offre ici un récit vivant et divertissant, merveilleusement illustré par Osvaldo Tofani. Très bien informé aussi car Jules Girardin l’avoue lui-même : il a aussi été cancre dans son enfance.
Comme l’écrivait Jacques Prévert :
« Il dit non avec la tête
mais il dit oui avec le cœur
il dit oui à ce qu’il aime
il dit non au professeur[…]
et il efface tout[…]
sur le tableau noir du malheur
il dessine le visage du bonheur. »

Jules Girardin est un écrivain français, né le 4 janvier 1832 à Loches (Indre-et-Loire) et mort le 26 octobre 1888 à Paris. Il adopta parfois le pseudonyme de J. Levoisin. Ses ouvrages ont surtout une portée morale et il a, pour héros de prédilection, les faibles et les déshérités. À un talent certain s’exprimant dans des observations pleines de délicatesse, il t des récits à la morale fortifiante.
Né en 1849, Osvaldo Toffani – auteur des illustrations de l’ouvrage et de l’image de première page intégrée dans une maquette de Yves – travailla d’abord pour L’Illustration où ce « maître du crayon » réalisa des couvertures mythiques puis pour de nombreux journaux et ouvrages illustrés. Il décède pendant la guerre en 1915.

[Sources : * Morel, Stanislas. Un prélude à l’échec scolaire ? Controverses sur le cancre et critiques de l’école sous la Troisième République, in Sociologie [Online], N° 2, vol. 9, 2018, consulté le 26 mai 2025. http://journals.openedition.org/sociologie/3777 ; Wikipédia : pages Jules Girardin et Osvaldo Toffani ; Prévert, Jacques. Le Cancre, in Paroles, Paris, Gallimard, 1946.]

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