
Dabit Eugène – Ville lumière: Des nouvelles qui retracent, par flashs et impressions attendries, ce monde que connut Eugène Dabit. Un monde de gens qui travaillent et survivent dans Paris et sa banlieue. Ils rêvent d’une autre vie, s’évadent aux puces de Saint-Ouen, vont au spectacle ou en couple sur les boulevards, et, le lendemain reprennent leur quotidien monotone, après avoir é, qui sait, une nuit dans leur chambre à l’Hôtel du Nord.
C’est une œuvre à laquelle il rêvait, Capitale. Il ne pourra l’écrire mais en avait griffonné un plan dont s’inspire ce recueil. Dans son Journal, il avait noté les premiers jets de Boulevard Mortier, Mayol, Un Dimanche dans la banlieue sud et aussi, le Marché aux puces, « son odeur de graisse, de moules, de fritures, de vin ; ces mauvais parfums » où chinent des gens qui « vivent, subissent leur destin d’hommes, obéissent autant qu’ils le peuvent à leurs besoins. » Il aurait voulu dédier Capitale à ses parents ; « si jamais mon désir se réalise, c’est mon amour le plus profond, le plus vivace que j’offrirai dans « Capitale ». Si ce livre n’est pas écrit, ma pensée reste – ici – aussi entière et ardente en ce qui les concerne. »
« Mais je garde une tendresse profonde à ce monde totalement disparu ; j’en accepte les laideurs et les beautés, parce que j’accepte la vie. […] Ne pas avoir de préjugés, de nulle sorte, à commencer par ceux de l’esprit, de l’art. Ne pas céder plus qu’il ne faut au doute, au désespoir, et notamment à celui que nous soufflent les événements politiques. […] Il faut sauver en soi la vie ; et sauver sa vie des atteintes des hommes, là est le redoutable problème. »
« Ah ! qu’on nous délivre de ces maisons et de ces pierres.
Et qu’on nous foute la paix avec la science.
Les découvertes et le progrès.
Il n’y a pas de quoi être fier.
C’est être résolument et farouchement moderne
Que de vouloir s’échapper et ne pas suivre cette route.
Je ne cherche pas à retourner vers les taudis et les cavernes.
Mais s’écrabouiller dans une ville
Et s’y crever à construire des machines qui assassinent la terre ou m’assassineront ?
Non !
Sauve qui peut ! mais ce n’est plus possible de fuir.
Si on avait une autre vie et qu’on puisse abandonner notre monde.
Mais c’est juste possible (demain peut-être plus) de foutre son camp pour quelques mois,
De vivre avec la mer comme un voleur.
Et puis ça recommence, chaque fois en plus noir.
Enfin c’est comme autrefois on disait « Faut pas s’en faire ».
C’est un dimanche d’automne mou et gras.
On attend les résultats d’un championnat du monde de boxe.
Et des couples vont sur le boulevard.
Des ménages sont heureux.
C’est comme dans un monde neuf et bon.
La vie continue avec un horizon qui va jusqu’à minuit. » (Eugène Dabit, Journal Intime)
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